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Les Wandervogel, ces ancêtres des hippies

Les ancêtres des Hippies étaient-ils…Allemands ? En retraçant l’histoire de la contre-culture américaine des années 60, des éléments étonnants se révèlent à nous. Des hippies germaniques, voilà quelque chose qui ne colle peut-être pas tellement avec les clichés « Das Auto » liés à ce peuple…

L’errance berlinoise

Berlin, 1896, à partir d’un lycée à Steglitz, un mouvement de jeunesse est lancé, il se nommera bientôt les « Wandervögel » (ou « Wandervogel » au singulier), littéralement « oiseaux errants ». A l’origine de ce mouvement des randonnées scolaires dans la forêt, une première dans le système éducatif allemand à l’époque. L’organisation de jeunesse « Wandervogel » voit enfin le jour, elle sera fondée en 1901 par Karl Fischer, un des étudiants qui faisaient partie du mouvement. Inspirés par les idéaux romantiques du « retour à la nature », les Wandervogel aspiraient à un mode de vie authentique, loin de l’industrialisation des grandes villes et loin du régime autoritaire parental, étatique ou autre. L’expansion de l’organisation quelque années plus tard fit naître par la suite plusieurs fractions et détachements qui laisseront apparaître des groupes indépendants plus « radicaux » et qui vont adopter des modes de vies bohémiens, prônant une spiritualité nouvelle inspirée d’orient ou au contraire de mythologie germanique, des pratiques mystiques d’union avec la nature, autogestion et liberté du corps et de l’esprit. En 1914 on pouvait compter 50,000 Wandervögel hommes et femmes. Un de leurs plus célèbres campements fut celui de « Monte Verita » à Ascona, un village en Suisse, où s’établit une communauté naturiste et créa une coopérative végétarienne sur les principes d’un socialisme primaire. Le campement attira par ailleurs nombre d’écrivains et d’intellectuels comme Hermann Hesse, Gustav Jung et Franz Kafka mais aussi des anarchistes tels Erich Mühsam, soucieux d’expérimenter de nouvelles formes de vie communautaire participative à l’image de la Vegetarische Ostbaukolonie Eden, établie en 1893, sise à Oranienburg, au nord de Berlin, qui fut la première colonie végétarienne avant le Monte Verità.

The American Dream

Aux prémices de la 1ére Guerre Mondiale, certains parmi ces « oiseaux errants » vont fuir le service militaire pour atterrir en Californie aux USA. Ils propageront là-bas les idées de la « Lebensreform » (réforme de la vie) des Wandervogel allemands qui comprennent entre autres : hygiène de vie saine (alimentation végétarienne, médecine naturelle, abstention de l’alcool), nudisme et liberté du corps (avec les fameux « bains de soleil »), spiritualité et nouvelles formes de croyances pangermaniques ou oriento-mystiques. Aujourd’hui les Wandervögel allemands appelés « les premiers hippies » sont mis en rapport par les historiens avec les hipsters américains des années 60, soit par des liens d’influences directs ou par effet de comparaison. En comparant les anciennes photographies en effet, on y retrouve des similarités étonnantes : nudisme, cheveux longs et longues barbes pour les hommes et chants et danses de groupes, mais c’est surtout au niveau des valeurs que ces deux mouvements se rejoignent. En Amérique, ces groupes sont appelés les « Nature boys », tiré de l’appellation plus ancienne « Naturmenschen » en allemand, donnée aux Wandervogel et adeptes de la Lebensreform et qui signifie « Gens de la nature ». Le plus célèbre d’entre eux est le musicien et compositeur américain Eden Ahbez, un personnage qui intriguait par le mode de vie bucolique qu’il menait en campant sous le premier L du panneau Hollywood à Los Angeles. Eden ainsi qu’on l’appelait, arrive à L.A en 1941 et commence à jouer du piano dans l’espace culturel et magasin d’alimentation bio du couple John et Vera Richter, fils d’émigrants allemands influencés par les idées de la Lebensreform. Ces idées lui sont transmises et plus tard, il les immortalisa avec la chanson, aujourd’hui une des plus célèbres du répertoire Jazz : « Nature Boy ».

Notre « Zeitgeist » à la Wandervogel

Nous connaissons aujourd’hui la fin des hippies et l’estompement du mouvement à cause de scandales violents ou de consommation abusive de stupéfiants. Certains parlent d’infiltration de la CIA qui aurait offert des provisions en LSD dans le cadre d’expérimentations de manipulation mentale, aujourd’hui plus connues sous le nom du « Projet MK-Ultra » et reconnues dès la fin des années 70, poussant ainsi à des excès aux conséquences lourdes. A leur tour, les Wandervögel ne connaitront pas une meilleure fin. Aujourd’hui, le mouvement est souvent lié au nazisme. En effet, plusieurs des anciens « leaders » de sections ont rejoint les nazis dans les organisations des « Jeunesses hitlériennes ». Ces dernières auraient trouvé des structures presque toutes faites, empruntant l’esprit Scout des Wandervögel, l’hygiène de vie idéale pour la perpétuation de la race arienne, le tout remanié avec une discipline militaire, inspirant l’autorité et une organisation stricte. Bien à l’opposé, une des devises clés des Wandervögel était bel et bien « penser par soi-même ».

Je fus personnellement amenée à ce sujet en étudiant la réception extraordinaire du roman « Le loup des Steppes » (1927) de l’auteur allemand Hermann Hesse par les hippies des années 60 (on connait entre autres le fameux groupe de rock « Steppenwolf » qui tient son nom du titre du roman). Je me posais la question sur la raison d’un tel engouement, qui était souvent référé à l’esprit anticonformiste et psychédélique du roman, mais j’étais loin de penser découvrir un nouveau « voisinage des idées » entre deux cultures à deux époques différentes.

Je parlais un peu plus haut de mort et de « fin » des mouvements, mais est-ce vraiment le cas ? Même si de nos jours, le hipster style existe beaucoup plus en forme de mode qu’autre chose (même les néo-hippies du genre « Rainbow gathering » ont à mon sens un gout de réchauffé) et les Wandervögel en forme de gentils Scouts mignons, la plupart de leurs idées scandaleuses à l’époque sont devenues aujourd’hui mainstream. Il est toutefois intéressant à travers leurs histoires d’observer d’un œil critique tout à la fois les déraillements idéologiques de certaines « utopies », mais aussi d’interroger notre propre application contemporaine de la « Lebensreform » et ses implications marchandes.

D’autres lectures :

- Ebenezer Howard (1850-1928) : Tomorrow-. A peaceful path to real reform

- Ida Hofmann-Oedenkoven: Monte Verita, Wahrheit ohne Dichtung (1906)

- John Alexander Williams: Turning to Nature in Germany: Hiking, Nudism and Conversation, 1900-1940.

- Reuven Kahane,Tamar Rapoport: The Origins of Postmodern Youth: Informal Youth Movements in a comparative Perspective, 1997.

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