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Rammstein: l'iconoclasme nazi


Être ou ne pas être néo-nazi. Telle est la question qui revient aujourd’hui de manière fréquente pour un nombre d’artistes qui flirtent avec les limites du politiquement correct. La question qui au contexte du retour des fascismes nationalistes ne s’est pas toujours pas estompée et impose la nécessité de nouvelles lectures afin de ne pas tomber dans une limitation, voire une « censure politiquement correcte » de l’art.

Si vous êtes néophyte au sujet, Rammstein est un groupe allemand de Métal Industriel qui n’a cessé de gagner en popularité depuis ses débuts dans les années 90, à travers une manière galvanisante d’aborder des sujets anticonstitutionnels. Néanmoins, cette audace leur a quand même valu une réputation controversée face à un positionnement idéologique que certains auraient jugé « flou ». Des titres connus comme ‘’Du Hast’’ ou ‘’Rosenrot’’ ont parfois apporté confusion quant à leur visée communicative:

"Du Hast mich gefragt und ich habe nichts gesagt.’’ "Willst du bis der Tod euch scheide. Treu ihr sein für alle Tage ? NEIN !’’ ‘’Tu m’as posé une question, et je n’ai rien répondu. "Veux-tu rester fidèle pour toujours, jusqu’à ce que la mort vous sépare ? Non !’’

Si on suit par exemple l’interprétation la plus courante de ce passage de ‘’Du Hast’’ ci-dessus, on peut penser que la chanson s’oppose au mariage —ou au moins à un mariage traditionnel, dont on parodie les serments.

Mais ce qui nuit le plus à la réputation de Rammstein est leur imagerie (du moins d’apparence) néo-nazie durant leurs représentations en live. Les concerts de Rammstein sont connus pour leurs pyrotechnies très impressionnantes, et leurs mises en scènes ressemblant à des rituels de discours autocrates de la Deuxième Guerre Mondiale. Tout dans leur gestuelle rappelle l’iconographie nazie et beaucoup tombent ainsi dans l’amalgame qui ferait du groupe une formation artistique prônant le fascisme. Durant leurs prestations, les membres du groupe en arrivent même parfois à faire des saluts nazis dans un concert, mais sans pour autant glorifier l’idéologie derrière ce geste emblématique. Un titre comme ‘’Ich Will’’, rappelle lyriquement un discours autoritaire à première vue, mais il révèle tout autant un appel à la catharsis et au défoulement. Résultat final ? Une contre-propagande nazie au lieu d’un appel fasciste.

L’iconographie mise en place dans ce cas se révèle alors comme un véritable iconoclasme. C'est dire que Rammstein s’approprie le plus possible la culture autoritaire nazie pour la parodier sur scène, et s’en servir pour en faire un jeu de foule dans leurs concerts. Ce que le groupe essaye jusqu’à ce jour d’accomplir, c’est de vaincre les clichés nazis de l’intérieur, par la dénaturation de tout ce qui peut rappeler le régime autocrate. Ainsi, à travers des mises en scène « recherchées », ils ressortent une iconographie devenue taboue et la transforment de manière presque thérapeutique, l'énergie de source violente se trouve alors redistribuée de manière artistique.

Dans son film-documentaire ‘’A Pervert’s Guide To Ideology’’, le psychanalyste philosophe Slavoj Žižek se sert d’exemple de cet ‘’iconoclasme par l’iconographie’’ de Rammstein afin de démontrer comment les idéologies opèrent à travers les foules, et comment la culture populaire -notamment les films- peuvent en déceler la nature :

"​ ​Le​ ​groupe​ de Hard Rock ​allemand Rammstein​ ​est souvent​ ​accusé​ ​de​ ​flirter​ ​ou de ​jouer​ ​avec​ ​l'iconographie​ ​militariste​ ​nazie. ​Mais si​ ​on​ ​observe​ ​de​ ​près​ ​leur​s ​spectacle​s ​on​ ​peut​ ​voir​ ​très​ ​bien​ ​ce qu’ils ​font ; l’exemple le plus familier est leur interprétation sur scène d’une de leurs chansons des plus connues ‘’Reise, reise’’.

"Les​ ​éléments​ ​mimiques​ ​de​ ​l'idéologie​ ​nazie promulgués​ ​par​ ​Rammstein​ ​sont​ ​des​ ​éléments​ ​d’investissements​ ​purement libidinaux. Le​ ​plaisir​ ​doit​ ​être​ ​concentré ​dans​ ​quelques​ ​gestes minimes,​ ​des gestes​ ​qui​ ​n'ont​ ​pas​ ​de​ ​précision​ ​au​ ​sens​ ​idéologique. Ce​ ​que​ ​Rammstein​ ​est en train de faire, ​c’est​ ​libérer​ ​ces éléments​ ​mimiques de​ ​leur​ ​articulation​ ​nazie ; cela​ ​nous​ ​permet​ ​de​ ​les​ ​apprécier​ ​dans leur​ ​état​ ​pré-idéologique. La​ ​façon​ ​de​ ​combattre​ ​le​ ​nazisme​ ​est​ ​de profiter​ ​de​ ​ses​ ​éléments emblématiques ridicules, en​ ​suspendant​ ​l'horizon nazi​ ​de​ ​la​ ​signification. De​ ​cette​ ​façon,​ ​vous​ ​sapez​ ​le​ ​nazisme​ ​de l'intérieur."

Žižek met ainsi en évidence la nécessité d’une sorte de « razzia idéologique » que les Arts peuvent initier, et ce, à travers une réappropriation et une recontextualisation du geste ou des mots du discours tabou. Resituer ces indices idéologiques revient donc à les neutraliser, les désacraliser, les ridiculiser presque. Tandis que le maintien du tabou, surtout dans le domaine de l’humour, ne sert qu’à renforcer son pouvoir.

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